Armand Robin (19 janvier 1912 – 29 mars 1961)
Tout près de Rostrenen, l’enfance paysanne, modeste et résignée d’Armand Robin s’énonce en langue bretonne. L’apprentissage du français à l’école sera comme une toute première ouverture au monde et aux autres. Élève agile d’esprit, il fait de brillantes études en Bretagne puis à l’ENS du lycée Lakanal à Sceaux où l’on enseigne aux jeunes gens les plus talentueux. Là il apprend le russe : immense découverte, car elle lui permettra en 1933 d’aller en URSS, d’où il reviendra définitivement hostile au totalitarisme communiste et fervent défenseur de la cause du peuple : « Par sympathie pour des millions et des millions de victimes, la langue russe devint ma langue natale. Tel un plus fort vouloir dans mon vouloir, besoin me vint d’écouter tous les jours les radios soviétiques ». Ainsi commencent les deux activités qui font d’Armand Robin un créateur unique : écouteur-traducteur des radios internationales, il décrypte les propagandes. Il mène un combat cruel contre la « fausse parole » qu’il retranscrit avec toutes ses dissonances, tout en lui opposant la parole vraie, musicale et harmonieuse, celle d’une âme en paix et inspirée. Avec en tête une trentaine de poètes de multiples origines, il invente sa propre voix. La langue de l’autre est comme celle d’un frère éloigné : il écoute le plus humble, le quotidien pour créer « une poésie qui serait une grande chose simple ». À la source, il y a une sorte de révélation, une émotion puissante, et la conscience qu’il faudrait « installer son amour au sein de tous les êtres ». Le poète parle à chacun la langue de tous et rend poétique ce que l’on croyait banal ou commun. Il évoque sa mère humble et dévouée aux tâches harassantes, il revient sur les lieux de l’enfance, landes et ruisseaux devenus souriants : ainsi la Bretagne demeure-t-elle son logis, son pays tout près qui ouvre l’horizon. Le traducteur pose un acte de communication universelle : différentes langues, différentes manières de voir et de dire le monde, autant de possibilités d’élargir son regard, d’agrandir l’univers. Armand Robin n’est pas érudit polyglotte mais il saisit le rythme, les images et fait du texte étranger une inspiration pour écrire en français : ainsi s’en va-t-il aux sources de la poésie pour retrouver un langage neuf.