(Marseille, 15 janvier 1861 – Brest, 18 octobre 1940)
Si on peut lire Saint-Pol-Roux aujourd’hui, c’est grâce à sa fille Divine et à René Rougerie qui a patiemment établi, annoté et publié ses textes. Ce minutieux travail a permis de comprendre qu’il est un poète pour aujourd’hui, loin de l’image du barde breton ou du symboliste précieux. Il était né à Marseille, avait étudié à Lyon puis tenté de vivre à Paris, où il rencontra celle qui deviendrait sa femme, Amélie Bélorgey. Puis il choisit la Bretagne, « champ magnétique », et vécut en presqu’île de Crozon avec sa femme, ses deux fils et sa fille. Il s’installe d’abord à Roscanvel puis élit domicile à Camaret-sur-mer, où d’une maison de pêcheur il fait le « Manoir de Coecilian ». Apparemment au bout du monde, il est en réalité lié à de nombreux écrivains qui viennent chez lui : Victor Segalen, Max Jacob, André Breton, Louis-Ferdinand Céline et même, en 1932, Jean Moulin, alors sous-préfet de Châteaulin. André Breton et les Surréalistes l’ont considéré comme un initiateur, car il inventait un nouvel art poétique. Il est un créateur qui transcrit le regard qu’il porte sur le monde au moyen d’un langage qu’il invente, les mots étant son matériau comme les notes celui du musicien. En outre, la poésie avec Saint-Pol-Roux n’est pas uniquement chose sensible, mais aussi intelligible, et le poète devient découvreur de la vie encore inexplorée, que les scientifiques à leur tour identifieront et nommeront inconscient, atome, quark… « L’art ne consiste pas seulement à voir et à sentir son heure, mais principalement à prévoir et à pressentir par-delà les limites de son temps les pensées impratiquées. » Ceci n’exclut pas non plus la dimension sacrée de l’homme, comme en témoigne son nom de plume.