Née au Pays de Galles, dans une vallée minière entourée de montagnes couvertes de bruyère, et après une enfance solitaire nourrie de livres et de peinture, Heather Dohollau est arrivée en France en 1947. Lancée dans l’inconnu de l’exil après la mort de sa mère, elle vécut d’abord à Paris où elle suivit des cours aux Beaux-Arts. Puis elle s’installa avec son mari sur l’île de Bréhat en 1951, et à Saint-Brieuc en 1958, sans renoncer à la vie insulaire. L’île – son humilité mêlée à sa beauté – marque profondément sa sensibilité poétique et artistique. L’été, celle qui aime la simplicité des objets peints par Morandi et la lumière de Bonnard, s’occupe d’une galerie d’art. C’est à Saint-Brieuc qu’elle commence à écrire en français, et publie en 1967 l’ouvrage La Réponse consacré au philosophe Jules Lequier. Le premier recueil poétique paraît en 1978 et s’intitule Seule enfance. Elle rencontre alors Yves Prié qui fonde les éditions Folle Avoine en 1980 et publiera l’ensemble de ses œuvres. Ce sont pour la plupart des textes en vers brefs, qui dessinent un espace sur le blanc de la page : une manière d’apparaître qui a la quiétude d’un tableau de Geneviève Asse. Dès que l’on commence à lire, l’image s’impose et l’on sent bien qu’elle provient de longues méditations d’où la philosophie n’est pas absente : parties émergées d’une intense vie intérieure, les textes se fondent sur un inlassable questionnement de l’enfance, la beauté, l’amour, la liberté. Elle écrivait le matin, et ses poèmes ont ce charme immédiat qui semble être simplement un bonheur d’expression, surgi dans l’inspiration matinale, « trouvant dans le vide immense / les lieux fidèles / d’un paradis jamais perdu ». Avec une infinie délicatesse, elle offre au lecteur quelque chose de rare qui peut se produire dans la nature ou à la vue d’une œuvre d’art, et que Jean Grenier, de son côté, appelait des « instants privilégiés ».