Note de lecture de Jacques Josse (août 2008) : Si seulement de Françoise Ascal et Alexandre Hollan
« Ouverte à la lumière, même au plus profond de l’obscur, la peinture d’Alexandre Hollan se livre à l’énigme, en attente de l’apparition. »
C’est cette énigme, ouvrant sur l’apparition évoquée par Yves Bonnefoy dans La journée d’Alexandre Hollan (Ed. Le Temps qu’il fait) qu’interroge à son tour Françoise Ascal. Elle, que l’on connait plutôt pour ses proses posées, sinueuses, drainant vie, mémoire, paysages, ramène de sa visite dans l’atelier du peintre des poèmes brefs, écrits en regard d’une série de « Têtes en méditation ». Ces visages aux yeux clos et aux lèvres fermées ne se donnent pas aisément.
« visages nés
pour trouer l’obscur
recours de la lumière
en quête d’elle-même. »
Ces visages, Françoise Ascal les effleure, reste volontairement en retrait, ne se laisse pas emporter par l’émotion qu’ils peuvent susciter. Cet aspect paisible et douloureux qui les entoure permet non seulement de deviner leur intériorité mais aussi d’imaginer la somme de cris retenus derrière l’apparent mutisme des masques et la réserve de lumière en attente sous ces paupières (closes et parfois même absentes) qui hésitent entre le sommeil et la mort.
« sous le front des vivants
les morts palpitent. »
Pour Françoise Ascal, les uns et les autres ne cessent de dialoguer. La frontière qui les sépare est infime et poreuse. Alexandre Hollan ne pense pas autrement. Dans ses notes, rassemblées dans Je suis ce que je vois (en deux tomes, aux éd. Le temps qu’il fait) il le rappelle régulièrement :
« Quand la distance est juste, l’espace qui me sépare de la forme est habité. Il n’y a plus de séparation. »
Si seulement est né (dépassant la solitude du titre) d’une belle complicité, d’une rencontre entre deux sensibilités qui savent annihiler les distances et jeter des ponts discrets mais sûrs entre écriture et peinture. De F. Ascal, on découvrira bientôt toute la teneur de son « atelier intérieur ». De A. Hollan, on peut sans attendre relire et revoir nombre des livres conçus en collaboration avec des poètes qui lui sont proches, tels Jacques Ancet, Pierre-Alain Tâche, Yves Bonnefoy, Louise Warren et (la liste est loin d’être exhaustive) Philippe Jaccottet, tout au long de Nuages (Ed. Fata Morgana, 2002).